Harper Lee

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur

La mort récente à 90 ans d'Harper Lee (février 2016) m'a incité à lire, avec bonheur, son roman.

Harper Lee est une énigme en elle-même, en effet "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" est quasiment son seul ouvrage (un autre, Va et poste une sentinelle, vient de paraître en 2015 retrouvé dans ses papiers) et après le grand succès de son livre dès sa sortie en 1960 et son prix Pulitzer en 1961, elle a quasiment disparu...tout en étant considéré comme la "conscience de l'amérique" par les américains eux-mêmes.

L'intrigue est simple, en Alabama dans la petite ville de Maycomb dans les années 30 et la grande récession, un jeune noir est accusé du viol d'une jeune fille blanche, un avocat blanc, Atticus Finch, accepte de le défendre ce qui provoque une explosion de haine à son égard et celui de ses enfants, Jem, un garçon de 10 ans et Scout, une fille de 6 ans. L'intérêt du livre est multiple, bien sûr, au centre c'est  la ségrégation et son cortège d'actes racistes, de haine, de provocation, de maltraitance, c'est sans doute ce qui a fait le succès du livre à une époque où les noirs luttaient pour leurs droits civiques (le discours de Martin Luther King date de 1963). C'est aussi la description de ce sud des Etats Unis à la Steinbeck (et ce n'est pas un mince compliment) avec cette chaleur pesante "Les cols durs des hommes se ramolissaient dès neuf heures du matin. Les dames étaient trempées de sueur dès midi, après leur sieste de trois heures et, à la nuit tombante, ressemblaient à des gâteaux pour le thé, glacés de poudre et de transpiration. ..La journée semblait durer plus de vingt-quatre heures. On ne se pressait pas car on avait nulle part où aller..."

C'est aussi un roman initiatique, car l'histoire est racontée au travers des yeux de la jeune Jean Louise Finch dite Scout qui apprend la vie notamment en suivant le procès,  qui est confrontée à la prégnance des valeurs morales de la religion à la volonté de sa tante d'en faire une "jeune fille" alors qu'avec  son frère Jem et un ami, Dill, elle ne pense qu'à faire les 400 coups dans le quartier notamment pour mettre à jour le mystère de ce voisin qui ne sort jamais de chez lui. Intelligente et pleine d'aplomb elle profite aussi des enseignements de son père :  "Je voulais que tu comprennes quelque chose, que tu voies ce qu’est le vrai courage, au lieu de t’imaginer que c’est un homme avec un fusil à la main. Le courage, c’est de savoir que tu pars battu, mais d’agir quand même sans s’arrêter. Tu gagnes rarement mais cela peut arriver."  Le mode de narration choisit par Lee Harper fait ainsi s'imbriquer les deux intrigues sur une durée de trois ans et crée un véritable enchantement..

 

Tuer un oiseau moqueur est un péché », dit le proverbe américain. En effet, ces oiseaux, si répandus dans le Sud des États-Unis, son réputés pour leur chant. Tuer un oiseau moqueur – comme s'en prendre à un enfant ou condamner un innocent – c'est nier la beauté, saccager l'espoir et étouffer l'étincelle d'enfance qui subsiste en chacun de nous. Tuer un oiseau moqueur, c'est retirer la grâce de ce monde. Heureusement, ce livre en est rempli.

 

 

Harper Lee - Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur- Livre de poche- Août 2006 - 6,50 euros

 

Retour  Rubrique "Livres lus"