Films vus en 2019

Les misérables de Ladj Ly avec Damien Bonnard, Alexis Manenti, Djibril Zonga...  Vu le 26/11/2019

Depuis 40 ans ce ne sont pas moins de 10 plans banlieues qui se sont succédés de la part de tous les gouvernements et à voir le film choc de Ladj Ly le résultat est catastrohique notamment dans le 93 et à Montfermeil.

Et pourtant le film commence par une explosion de joie de ces jeunes de banlieue qui chantent une Marseillaise à tue-tête lors de la victoire de l'équipe de France de foot et se termine sur un affrontement violent de ces mêmes jeunes tant avec la police qu'avec les "mafieux",  les chefs locaux et même les religieux et la scène finale du film avant le noir précédant le générique est symbolique d'une déflagration bien pire à venir... 

Stéphane (Damien Bonnard) est un nouveau membre venu de Cherbourg de la brigade anti-criminalité de Montfermeil (la BAC) sous les ordres de Chris (Alexis Manenti) et son adjoint Gwada (Djibril Zonga) depuis longtemps sur le terrain et essayant de faire régner un semblant d'ordre avec la complicité des potentats locaux. C'est  au travers de ses yeux de candide, c'est à dire nous, que nous traversons les quartiers de Montfermeil dans la voiture de patrouille. On découvre peu à peu un Etat dans l'Etat avec ses propres règles, ces chefs et surtout ces jeunes desoeuvrés, livrés à eux-mêmes on voit d'ailleurs peu les pères mais plutôt des mères totalement dépassées, ils se livrent au vol, à la prostitution ou dealent et c'est justement le vol d'un lionceau qui va mettre le feu aux poudres.
Dans leur poursuite du voleur les policiers blessent gravement un jeune avec un tir de flashball à bout portant et il se trouve qu'un autre jeune a filmé la scène avec son drone. Pour récupérer cette vidéo Chris et Gwada font franchir les limites entraînant par réaction les jeunes à les attirer dans un véritable guet-apens.
Bien sûr le film interroge et surtout ceux qui comme moi, à l'inverse de Ladj Ly, ne connaissent absolument pas cet univers des banlieues même si des ouvrages comme ceux d'Olivier Norek (Code 93, Territoires...) sensibilisent et donnent certaines clés de compréhension et donc beaucoup de  POURQUOI et finalement peu de réponses devant ce morceau de territoire français où tout est laissé à l'abandon où la discrimination frappe durement et où notre système à la fois éducatif et répressif trouve toutes ses limites.
Est-ce que des films comme celui de Ladj Ly peuvent servir d'électrochoc et permettre d'aborder le problème des banlieues voire plus largement le problème intégration/exclusion autrement qu'à coup de milliards ou de boucliers de policiers  j'en suis dubitatif, mais il faut aller voir ce film et en parler,  plus il y aura de spectateurs et plus il y aura de chances qu'une évolution se produise un  jour, notamment avec le regard des jeunes adultes ...

J'accuse de Roman Polanski avec Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner...  Vu le 19/11/2019

 Bien sûr on a hésité, pourquoi aller cautionner d'une certaine façon un cinéaste au coeur d'une polémique, au comportement répréhensible  en payant notre place et puis finalement comme  le sujet nous interessait, on a fait le pas pour Dreyfus. Regrette-t'on ? Non pas vraiment, c'est une reconstitution historique minutieusement décortiquée sur le complot envers le capitaine  Alfred Dreyfus, le juif  bouc émissaire condamné par sa hiérarchie et par une population française globalement antisémite et dont la très belle première scène du film nous montre la dégradation dans la cour des Invalides. Le réalisateur adopte alors le point de vue du lieutenant-colonel Marie Georges Picquart qui dénonça ce complot, découvert certes par hasard  en examinant ce "petit bleu" qui par analyse graphologique montrait que c'était le même auteur que le document source de la condamnation de  Dreyfus pour trahison. Un Picquart lui même au fond antisémite, mais agissant au nom de l'honneur de l'armée, personnage fascinant et obstiné guidé par sa conscience évoluant  dans un univers pourri (la hiérarchie militaire et le gouvernement) où les complots d'Etat sont bricolés dans des bureaux sombres et puants avec le contenu de poubelles.  Sa condamnation par sa hiérarchie qui ne veut pas se déjuger sur Dreyfus alors que Picquart accumule les preuves sur Ferdinand Estherazy, le véritable traître*, va le conduire à parler et sera donc à l'origine de la célèbre "Une" de l'Aurore "J'accuse" par Emile Zola le 13 janvier 1898 et qui par ricochet  après des procès perdus va conduire à la réhabilitation de  Dreyfus en 1906 ainsi d'ailleurs que  celle de Picquart qui deviendra même général et ministre  de la guerre du gouvernement de Clemenceau.

Mon insatisfaction cependant vient de ce que j'ai trouvé la réalisation très académique et comme engluée à suivre pas à pas la quête de Picquart- Sherlock Holmes même si j'ai apprécié le jeu des acteurs et notamment Jean Dujardin en Picquart. 

 

* Certains historiens estiment qu' Estherazy était plutôt un agent double qui devait donner à l'Allemagne de faux renseignements notamment sur le nouveau canon de 75. Non condamné il mourra toutefois en exil en Angleterre.

Hors normes d'Eric Toledano et Olivier Nakache avec Vincent Cassel, Reda Kateb, Hélène Vincent...  Vu le 29/10/2019

 


Changer le regard sur ceux qui sont "Hors normes" c'est la tâche que se sont assignée les réalisateurs Eric Toledano et Olivier Nakache, d'abord avec le film évènement "Les intouchables" qui a certainement fait beaucoup pour une meilleure acceptation par la société des handicapés  et maintenant un film sur les enfants et adolescents autistes ou psychotiques.

Mais attention, contrairement à ceux qui dénigrent le film car les autistes sont pour eux présentés comme des faire valoir, il ne s'agit pas d'un film sur l'autisme mais bien un film (et pas  un documentaire) s'attachant à décrire le dévouement inlassable de ceux qui agissent pour redonner un peu d'humanité à ces "hors normes"  que toutes les structures officielles ou leurs familles rejettent ou enferment car trop violents envers eux-mêmes ou envers les autres ou trop murés dans un effroyable silence. 
Le film montre aussi que la prise en charge de ces jeunes ne peut se faire que dans des structures elles-mêmes hors normes, ici deux associations complémentaires celle qui acceuille, sans avoir d'agrément, ces jeunes en grande dificulté ,

"La voix des justes"  animée par Bruno (Vincent Cassel) celui qui trouve toujours une solution en dernier recours et une autre association "l'Escale" animée par Malik (Reda Kateb) qui réinserre des jeunes des quartiers eux-mêmes en difficulté comme éducateurs spécialisés et qui viennent donc soutenir au cours de leur formation l'association La voix des justes.
C'est aussi un film sur la tolérance car La voix des justes est une association juive et l'Escale une association dirigée par un musulman pratiquant c'est donc là-aussi une situation "hors normes" qui montre que l'on peut (doit) dépasser les schémas préconçus.

Bien sûr les comédiens professionnels comme Vincent Cassel et Reda Kateb portent le film qui sonne juste gràce à leur capacité à faire vivre ce métier exigeant et difficile d'éducateurs spécialisés où rien n'est acquis d'avance et au détriment parfois de leur vie personnelle (intérieur misérable de l'habitat de Bruno et impossibilté de concilier sa vie sentimentale et son dévouement constant), mais aussi gràce au fait que certains des acteurs sont eux-mêmes autistes.

On ne peut dire que BRAVO d'avoir réalisé un tel film qui magnifie l'engagement associatif et porte un beau regard sur ceux que justement notre société ne veut pas voir.

Allez d'urgence remplir les salles....

Le chardonneret de John Crowley avec Ansel Elgort, Oakes Fegley, Nicole Kidmann....  Vu le 23/09/2019

N'ayant pas le temps de faire le compte rendu je l'emprunte à internet

Le chardonneret de John Crowley, est une adaptation du roman du même nom écrit en 2013 par Donna Tartt. Le livre, salué par les critiques et rapidement devenu best seller, a obtenu le prestigieux Prix Pulitzer en 2014.
Le Chardonneret suit le parcours sur plusieurs années du jeune Theo : celui-ci n’a que 13 lorsque sa mère est tuée dans un attentat au Metropolitan Museum of Art de New-York. Cette tragédie ne le quittera plus : rongé par la culpabilité, il se reconstruit tant que possible, mais une relique qu’il conservera de ce jour funeste (la toile Le Chardonneret de Fabritius*) le ramènera toujours à ce jour bouleversant sa vie.

Le film se déroulant sur deux temporalités différentes, plusieurs acteurs jouent le même rôle à différents âges. Dans le rôle de Theo, on retrouve ainsi Ansel Elgort et Oakes Fegley. Nicole Kidman, Jeffrey Wright, Luke Wilson, Sarah Paulson et Finn Wolfhard complètent ce pléthorique casting

Adapter Le Chardonneret, un ouvrage riche de 1296 pages (version poche), tient de la gageure. Adapter, c’est choisir (ou renoncer, c’est selon). Et John Crowley prend le parti pris d’installer la trame de son matériau dans la longueur. Deux heures trente lui sont nécessaire pour décrire l’univers et les nombreux protagonistes de l’ouvrage de Donna Tartt. Une longueur soporifique ? Non. Une longueur envoûtante. Qui prend par la main son spectateur pour l’emmener là où il ne s’attend pas. Faire des détours, au fil des rencontres du jeune Theo, dans un montage d’une audace folle, pour évoquer tantôt le poids de la culpabilité du survivant à l’attentat et sa recherche permanente du deuil, tantôt la quête d’un père, que Theo trouve en la personne d’un antiquaire new-yorkais pour mieux oublier son escroc de paternel… Le tout avec un fil rouge, celui de l’Art, incarné ici par un Chardonneret à la fois omniprésent et absent à l’écran, à l’instar du Rosebud du Citizen Kane. Le Chardonneret est d’une richesse rare dans le fond mais aussi dans la forme : montage original, donc, mais aussi une photographie parfaite et un sens de l’élégance dans la mise en scène. Un film romanesque comme le cinéma n’en propose plus tant. Rafraîchissant.

 

Dans l’art de la peinture, Le Chardonneret est un tableau très célèbre de l’Ecole hollandaise, peint en 1654 et qui a survécu la même année à la massive explosion de la poudrière de Delft, à la différence de son auteur Carel Fabritius et de beaucoup de ses œuvres, disparus dans la catastrophe.

Carel Fabritius fut l'un des élèves les plus talentueux de Rembrandt. Suivant le précepte de son maître de « suivre la nature », il a tenté de créer une illusion aussi vivante que possible. Ce chardonneret, étonnamment réaliste, est un exemple d'une telle tentative de peinture illusionniste

Deux moi de Cédric Klapisch avec François Civil, Ana Girardot, Camille Cotin, Simon Abkarian....  Vu le 17/09/2019

C'est un vrai bonheur de suivre pas à pas ces deux trentenaires, Rémy (François Civil) et Mélanie (Ana Girardot) dans un Paris sonore avec ses petits commerces, ses flots de travailleurs à pied ou en transports et filmé avec brio par Cédric Klapisch, deux vies juxtaposées et parallèles de personnes qui habitent des immeuble voisins et se croisent sans se rencontrer.

L'un, Rémy, se complet dans la solitude et l'anonymat que génèrent les grandes villes qui soudain à la suite d'un malaise vagal va étre conduit à consulter un psychothérapeute (François Berléand). L'autre, Mélanie , se remet très mal d'une rupture, de plus elle est stressée par son travail  et cherche désespérément  l'âme soeur sur les sites de rencontre. Elle aussi va se rendre chez une psy (Marie Bunel). Je craignais ces passages chez les psy qui donnent souvent lieu à des dialogues prétentieux, il n'en est rien ici et les dialogues ciselés sonnent juste et permettent tant aux deux "moi" qu'à nous spectateurs de comprendre les blessures profondes qui sont en partie à l'origine de leurs attitudes.

C'est vraiment très bien conduit et malgré les situations qui se succèdent qui pourraient les rapprocher, passage chez le commerçant du coin à l'épicier malicieux  (Simon Abkarian), ou autour d'un petit chat, il faut attendre les dernières images pour que le hasard les mette face à face et qu'un échange superbe de regards nous fasse comprendre que l'histoire entre eux enfin peut commencer.

Très bien joué notamment par Ana Girardot et François Civil déjà à l'affiche du précédent film de Cédric Klapisch que je n'ai pas vu, "Ce qui nous lie" et qui donne une vision positive d'une génération que la vie moderne rend seuls et déprimés mais qui peut s'en sortir en acceptant le "connais-toi toi-même" pour rencontrer l'autre alors que tant de films ne cessent de nous en montrer les côtés noirs et violents.
Un film à voir de toute urgence.

Nevada de Laure de Clermont-Tonnerre avec Matthias Schoenaerts....  Vu le 16/07/2019

Que c'est beau la course des mustangs sauvages dans les vastes plaines du Nevada qui fuient éperdument ceux qui vont les capturer et les conduire dans des enclos proches d'une prison où l'un des détenus Roman Coleman,  homme taiseux, violent et solitaire est lui-même enfermé depuis 12 ans. Ce film relate donc la rencontre improbable de ces deux "enfermés", l'homme et le mustang qui vont progressivement s'acclimater l'un l'autre grace à un programme de réhabilitation des prisonniers. Superbes images du commencement du dressage du mustang, Marquis, par Roman qui n'y connaît rien mais qui comprend peu à peu que ce n'est pas par cette violence qui l'habite qu'il parviendra à monter le mustang et qui s'ouvre à des relations plus appaisées notamment avec sa fille.
Attention on est dans un milieu carcéral avec toute sa dureté et ses déchaînements de violence mais c'est aussi un film qui dégage une certain optimisme sur la possibilité d'évoluer lorsqu'existe une relation forte, ici entre un cheval et un homme, incarné par un très bon Matthias Schoenaerts qui porte le film. La photo est superbe notamment sur les plans rapprochés des mustangs, bravo aux dresseurs et l'histoire est passionnante, une réussite pour le premier long métrage de Laure de Clermont-Tonnerre.
                                                                         Très beau film à voir absolument.

Parasite de Bong Joon Ho avec Song Khan-Ho, Lee Sun-kyun, Cho Yeo-jeong, Choi Woo-Sik, Park So-Dam....  Vu le 25/06/2019

C'est l'histoire d'une famille pauvre, les Ki,  vivant dans un taudis et d'une famille riche, les Park, habitant une immense maison d'architecte, deux familles parallèles avec chacune, père, mère et deux enfants, c'est à Séoul en Corée mais ce pourrait être ailleurs.  Par hasard et suite à une superbe arnaque pleine d'humour en exploitant la crédulité de madame Park,  les Ki vont progressivement "parasiter" la famille riche.  Une intrigue sentimentale entre le garçon Ki et la jeune fille Park va même se nouer et profitant de  l'absence de la famille riche partie camper, la famille pauvre occupe la maison pour une soirée festive. Mais un grain de sable, en l'occurence le retour de l'ancienne gouvernante, va faire basculer l'histoire dans une ambiance glauque, noire où la lutte pour la vie ou pour conserver les emplois conduit à une certaine forme de folie et même à des actes d'une violence extrème mettant fin brutalement au rêve d'ascension sociale des Ki.

C'est superbement photographié et certaines scènes comme la descente des escaliers vers les bas-fonds de Séoul accompagnés par une pluie diluvienne qui inonde même le taudis de la famille Ki resteront longtemps en mémoire. C'est très bien joué par l'ensemble des acteurs et surtout par Song Khan-Ho qui interprète le père de la famille Ki, un régal. 

Bien sûr il y a un aspect dans ce film de critique sociale, de la violente co-existence de ceux "d'en-dessous" qui dégagent l'odeur de leur taudis et ceux d'au-dessus, mais c'est aussi une fable politique dans un pays  la Corée, où un rien peut faire basculer vers la noirceur et la cruauté d'une guerre, toutefois la fin du film surprenante et remarquable laisse penser qu'il y a toujours de l'espoir.
Personnellement j'ai bien aimé ce film et trouvé qu'il méritait sa palme d'or à Cannes même si je peux comprendre ceux qui sont plus critiques face à certaines scènes d'une violence crue.

Douleur et gloire de Almodóvar avec Antonio Banderas, Asier Etxeandia, Leonardo Sbaraglia, Nora Navas, Pénélope Cruz ....  Vu le 21/05/2019

Processus de création bloqué, repli sur soi dans un appartement sombre entouré des oeuvres d'art acquises au temps de la gloire, accumulation des maux qui acccompagnent le vieillissement, vie sentimentale en berne, Salvador Mallo (Antonio Banderas) cinéaste à succès n'en peut plus, la douleur le submerge, en témoigne cette très belle scène de début du film où il reste immobile sur une chaise au fond de la piscine... 

Dans ce film Almodóvar  projette sa vie au travers de son double, Salvador mais une vie doublement travestie et par le réalisateur et par l'acteur.
Almodóvar nous entraîne dans son enfance au sein d'une famille pauvre avec une mère adorée, son refuge dans les livres, son passage par un collège religieux, ses premiers émois à la vue d'un sexe masculin, sources de son art.  Puis  le succès d'un premier film coïncidant avec la première rupture homosexuelle et la dégringolade liée à la mort de la mère, le tout sans suite réellement chronologique mais au fur et à mesure que remontent les souvenirs. La drogue sera-t'elle une solution pour s'en sortir ? Non, et même s'il ne se sent pas de reprendre les tournages qui sont une épreuve physique c'est par l'écriture qu'il va surmonter ses douleurs psychiques engendrant d'ailleurs les rencontres lui permettant de solder le passé et de reprendre sa vie en main..

Toujours les ambiances très colorées qui sont la marque d'Almodóvar et une photographie superbe notamment lorsqu'elle sonde le visage de Salvador (Extraordinaire Antonio Banderas)  ou qu'elle sublime Pénélope Cruz (la mère de Salvador enfant), c'est toutefois un film qui laisse un peu sur sa faim moins captivant que les précédents tout en étant profond sur les aspects autobiographiques qui expliquent la genèse de l'artiste et l'éphémère du succès, il nous permet aussi de rentrer dans l'intime d'un réalisateur qui avec le recul de la vieillesse tourne un film sur le sens de la vie.

Un bon film même si l'on aurait souhaiter dire un très bon film.

 

Nous finirons ensemble de Guillaume Canet avec François Cluzet, Marion Cotillard, Gilles Lelouche, Laurent Lafitte....  Vu le 30/04/2019

Un bon moment de divertissement que "Nous finirons ensemble" avec les retrouvailles de la bande de potes des " Petits mouchoirs" . Depuis 10 ans, ils se sont perdus de vue et leurs destinées ont évolué. Max (François Cluzet) en instance de divorce est ruiné, n'a évidemment rien dit à personne, ni à sa femme Véronique (Valérie Bonneton)  ni même à sa nouvelle compagne Sabine ( Clémentine Baert) et a mis la fameuse maison du Cap Ferret en vente. Il a rendez-vous avec un agent immobilier lorsque toute la bande débarque à l'improviste pour fêter ses 60 ans...Marie (Marion Cotillard) ne s'est jamais remise de la mort de Ludo et sombre plus ou moins dans l'alcool tout en s'occupant à peine de son fils Nino.  Eric, (Gilles Lellouche), est encombré par sa fille de quelques mois qu'il confie à une nounou mais c'est lui qui va sauver la situation en trouvant une autre maison et en faisant croire aux autres que c'est Max qui l'a louée... mais la vérité finit toujours par éclater...La situation est évidemment propice à toute une suite de gags dont certains sont irrésistibles et déclenchent le fou rire, c'est du aussi à la performance de Laurent Lafitte dans le rôle d'Antoine.  On se laisse entraîner dans cette semaine de vacances-retrouvailles même si entre certaines scènes inoubliables comme celle du saut en parachute le film paraît s'étirer doucement entre scènes de beuverie qui permettent de découvrir les failles cachées de chacun et scènes sentimentales qui recomposent les couples...C'est particulièrement bien joué par l'ensemble des acteurs qui prennent un plaisir évident à se retrouver et les paysages du bassin d'Arcachon sont magnifiquement photographiés.
Bref ne gâchons pas le plaisir, c'est un film de détente à consommer sans modération.

Sibel de Gagla Zencirci et Guillaume Giovanetti avec Damla Sönmnez....  Vu le 02/04/2019

 

N'ayant pas le temps de faire un compte rendu je mets ici celui de Cinématogrill du 8 mars 2019 qui correspond au mieux à ce que j'ai ressenti.
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Sibel "raconte l’histoire d'une jeune femme et fille du chef d’un village perché en haut d’une montagne Turque dont on comprend vite que sa mère et morte et que sa sœur ne l’apprécie pas vraiment. Sibel a la particularité d’être muette et de ne communiquer que par des sifflements, une forme de langage ancestral . Son moyen de communication n’est compris que par ses proches, ce qui lui rend difficile tout échange avec l’extérieur elle est donc considérée comme une handicapée et portant le mauvais œil par les gens de son village, Sibel vit sauvagement entre son travail dans les champs et la chasse. Elle ne quitte presque jamais son fusil qui constitue son arme et sa force face aux aggressions extérieures. Alors qu’elle a pour ambition de chasser un loup qui terrorise le village afin de s’accorder la faveur et le respect de ses habitants, elle découvre dans la forêt un jeune homme « terroriste » recherché par les autorités. Au lieu de dénoncer le fugitif, Sibel décide de l’aider et va connaître à ses côtés un relationnel ainsi qu’un éveil des sens qui lui étaient alors inconnus jusqu’ici.

L’intérêt du film est de nous présenter une société machiste dominée par les hommes au sein de laquelle règne en maître le ragot et le mariage, arrangé par une "marieuse" et fruit d'une pesante obligation sociale. Pour Sibel, c’est différent puisque son ‘handicap’ la rend hors norme et non promise au mariage. C’est ainsi qu’elle gagne en liberté et doit apprendre à lutter perpétuellement contre le regard et rejet des autres.

Sibel est une réalisation crue, sans musique où le langage corporel est le seul moyen d’existence du personnage. À ce titre, Il faut saluer la performance de l’actrice Damla Sönmez qui parvient à tout nous faire ressentir grâce à son expression corporelle. Elle incarne un personnage affranchi qui de soumise va choisir de dire non. Sibel parle d’une femme forte et dresse le portrait étonnant d’un personnage éminemment cinématographique. Entre relation familiale, société turque, place de la femme, éveil de l’amour et jeunesse fougueuse, le film nous emporte. C’est à la fois une surprise et une réussite qui pose question : comment une nouvelle génération peut-elle s’affranchir des normes d’une société patriarcale et plus particulièrement quel rôle les femmes doivent et peuvent jouer dans ce changement ?"

Le mystère Henri Pick de Rémi Bezançon avec Fabrice Luchini, Camille Cottin, Alice Isaaz, Bastien Bouillon ....  Vu le 12/03/2019

 

Une jeune éditrice, Daphné (Alice Isaaz) fait une découverte improbable dans une bibliothèque du Finistère qui possède une salle spécialisée dans les romans refusés par les éditeurs, le manuscrit d'un certain Henri Pick, Les dernières heures d'une histoire d'amour, qui publié devient un succès considérable. Or Henri Pick était un pizzaiolo breton qui semble-t'il ne lisait pas, notamment le poête Pouchkine dont la mort en duel est au centre du roman  et n'aurait donc jamais écrit une ligne.

Avait-il une double vie c'est ce que pensent sa femme Madeleine (Josiane Stoleru)  et sa fille Joséphine (Camille Cottin) . 

Le critique littéraire Jean Michel Rouche (Fabrice Luchini) a donc des doutes et pressent une arnaque littéraire, il va partir à la quête de l'énigmatique Henri Pick qui a emporte son secret dans la tombe et sera aidé par Joséphine qui préfère surveiller de près Rouche dans cette enquête qui nous fait découvrir à vélo ou en voiture les magnifiques paysages de la presqu'ile de Crozon. Indices et contre-indices s'accumulent et orientent l'enquête vers  Daphné et son copain, un jeune écrivain Frédéric Kosta (Bastien Bouillon) dont le premier roman, La baignoire, a été un four.
Adapté du roman éponyme de David Foenkinos, Le mystère Henri Pick, se laisse voir surtout pour le duo Luchini-Cottin qui fonctionne à merveille et pour la qualité des dialogues, certaines répliques sur l'oeuvre de Marguerite Duras sont irrésistibles, et sur le pouvoir de la communication pour promouvoir une oeuvre.  Malheureusement la fin est un peu décevante et fait penser à l'émission "Les cinq dernières minutes" où l'on vous explique tout...

Un bon divertissement mais sans plus.

Grâce à Dieu de Fançois Ozon avec Melvil Poupaud, Denis Menochet, Swann Arlaud ....Vu le 26/02/2019 

 

C'est un film à charge  sur les agissements pédophiles de prêtres dans l'église et de l'omerta que fait régner la hierarchie sur le sujet au moyen de maneuvres dilatoires et d'absence de sanction des prêtres en cause. Mais, et c'est tout le talent de François Ozon, c'est aussi un magnifique plaidoyer sur les victimes et la libération de la parole qui leur redonne la force d'affronter leur passé, les incompréhensions et même ruptures familiales, leur mal être profond. Le film est particulièrement bien documenté sur l'affaire du prêtre Bernard Preynat et du Cardinal Barbarin qui agite la région lyonnaise encore actuellement car toujours devant la justice. 

Alexandre (Melvil Poupaud), jeune cadre et père de famille nombreuse, catholique pratiquant se rend compte que celui dont il a été victime aux scouts d'actes pédosexuels est toujours en poste et continue à cotoyer des enfants.  Malgré ses lettres au cardinal, ses rencontres avec lui, rien n'est fait et il se décide à porter plainte même si celle-ci est irrecevable car les faits sont prescrits, mais cette plainte est le début d'une  chaîne qui fait que d'autres victimes du même prêtre vont à leur tour se manifester, notamment François (Denis Menochet) dont l'engagement dans la petite association "La parole libérée" canalise la haine qui est remontée avec les souvenirs enfouis et  Emmanuel (Swann Arlaud) l'écorché vif, psychologiquement atteint par le traumatisme des caresses du père Preynat. Une des grandes forces du film est de montrer que la parole  n’efface rien mais permet de donner corps à une souffrance et de dédiaboliser la culpabilité inconsciente notamment en se rendant compte qu'on est pas la seule victime. 

Ce n'est peut-être pas le film magistral que vante l'affiche mais c'est un très bon film porté par d'excellents acteurs, à voir.

Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon Dieu ? de Philippe de Chauviron avec Chantal Lauby, Christian Clavier ....Vu le 05/02/2019 

 

"La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer" , les 4 gendres de la famille Verneuil ont décidé de quitter avec femme et enfants la France, pour Israël, pour la Chine, l'Algérie et même l'Inde avec Bollywood. Cette décision est intolérable pour Marie et Claude Verneuil qui vont mettre en oeuvre toute une série de stratagèmes pour les retenir, bien aidés d'ailleurs par le mariage surprise de Viviane, la fille de la famille Koffi.

C'est toujours difficile de faire une suite aussi réussie que le premier opus et c'est ici le cas.

On rit un peu certes à cette entreprise d'autodérision sur les comportements caricaturaux du racisme ordinaire, de l'intolérance,  du soupçon sur l'étranger, mais on reste sur sa faim malgré les magnifiques paysages du Val de Loire. Christian Clavier est toujours ce vieux réac qui par nécessité devient un peu plus tolérant voire moralisateur, Chantal Lauby incarne superbement le sens de la famille qui a fini par intégrer la diversité et qu'elle ne veut pas voir se déliter, les gendres sont égaux à eux-mêmes, on peut regretter que leurs femmes aient des rôles un peu trop anecdotiques et Pascal Nzonzi se remet difficilement du grand coup sur la tête qui l'a assommé.

Un film que l'on peut voir sans trop en attendre...

 

La Mule  de Clint Eastwood avec Clint Eastwood, Bradley Cooper, Laurence Fishburn, Diane West, Alison Eastwood ....Vu le 29/01/2019 

 

"Je pouvais tout acheter mais je ne pouvais pas acheter le temps" c'est par ce constat désabusé que Clint Eastwood, Earl, termine son film où il se met en scène en vieillard décrépit, solitaire ayant tout raté, sa vie professionnelle et surtout sa vie familiale, divorcé, son ex-femme, sa fille et partiellement sa petite fille ne lui parlent plus et ne veulent plus le voir. Approché par hasard par un cartel mexicain, il va accepter de convoyer un colis et tombe dans l'engrenage et devient une mule qui enchaîne les trajets. Le gang ayant trouvé la mule quasiment insoupçonnable, même aux yeux de l'Agence fédérale de lutte contre la drogue, lui confie des chargements de plus en plus lourds, qui rapportent évidemment des sommes de plus en plus importantes à Earl qui ainsi peut s'offrir un véhicule neuf, racheter son exploitation, aider ses amis anciens combattants et utiliser cet argent à se rapprocher de sa famille et même pour cela, aller jusqu'à  braver les interdits dictés par le cartel. 

Film nostalgique, le flamboyant cow-boy justicier qui nous a tant séduit a troqué, hélas, son cheval pour une mule. Au soir de sa vie Clint Eastwood (88 ans) appuie sur les valeurs de la famille et de l'honneur, c'est sans doute partiellement auto-biographique puisqu'il fait jouer sa fille par sa propre fille Alison comme une sorte de repentir. On ne s'ennuie pas, on admire certes la performance d'un acteur qui continue à nous séduire mais le souffle comme le propos se sont affaiblis.

Les invisibles  de Louis-Julien Petit avec Audrey Lamy, Corinne Masiero, Noémie Lvovsky, Déborah Lukumuena....Vu le 15/01/2019 

Constat amer, j'ai bien peur qu'après la projection de ce film ce film "Les invisibles" ces femmes SDF continuent hélas à rester invisibles.*

Le parti pris de Louis-Julien Petit est de traiter en comédie un sujet de société, l'extrème dénuement, en espérant peut-être que montrer ces femmes dont la vie se résume en deux sacs portés à bout de bras et qui sont ballotées d'accueil de jour en accueil de nuit quand il y a de la place va avoir un impact positif sur le regard qu'on peut porter sur ces "clochardes" qui ont eu une vie, un travail,  avant la rue.
L'Envol, un foyer d'accueil de jour pour femmes qui y viennent trouver une douche, un café, quelques heures de repos et un peu de chaleur humaine auprès des travailleuses sociales et des bénévoles va fermer au nom de la sacro-sainte rentabilité. Manu (Corinne Masiero) et Audrey (Audrey Lamy) responsables du centre décident de désobéir aux régles et d'acceuillir les femmes de nuit et de leur faire retrouver leur dignité en créant des ateliers thérapeutiques qui leur permettront de retrouver leurs compétences antérieures et de pousser celles qui se cachent derrière des pseudos comme  Lady Di, Brigitte Macron, Edith Piaf ....à retrouver leur identité et ainsi rencontrer de potentiels employeurs.
Mais la désobéissance civile se heurte à l'intransigeance des réglements...

Derrière les répliques et les situations qui font rire la salle on peut toutefois voir la critique de notre système d'aide sociale où l'on crée certes des foyers aseptisés  mais à 50 km du centre ville (exclusion supplémentaire),  où la population se protège en mettant des protections  sur les pas de portes pour empêcher qu'on vienne y dormir, où l'assistante sociale en chef fait dégager le terrain publique des tentes qui ont été implantées et fait fermer l'Envol sans vouloir essayer de comprendre, le règlement c'est le règlement. Parallèlement certes il y a l'humanité des travailleuses sociales ou même celle d'une bénévole qui par sa trop grande implication va mettre en jeu sa vie de famille.
C'est joué avec beaucoup de naturel notamment par ces femmes dont le rôle est inspiré de leur propre vie et qui ont connu la précarité en synergie positive avec les acteurs professionnels. Voilà, ce film montre encore une fois une facette de notre société qui n'est pas bien belle et qui nous arrange si elle continue à rester cachée.

* Une  enquête de l'INSEE en 2012 a indiqué qu'il y avait 140 000 SDF en France dont environ 25% de femmes, depuis il est vraisemblable que ce nombre a augmenté.

Edmond d'Alexis Michalik,  avec Thomas Solivérès, Olivier Gourmet, Tom Leeb, Lucie Boujenah, Mathilde Seignier, Clémentine Célarié, Alice  de Lencquesaing... Vu le 08/01/2019

Un film rare…Alexis Michalik adapte sa pièce à succès au grand écran, une pièce qui éclaire la genèse du grand chef d’œuvre du théâtre français, Cyrano de Bergerac  d’Edmond Rostand*.
Dans le Paris de 1897 où s’affrontent Dreyfusards et Antidreyfusards, pacifistes ou revanchards, traditionalistes et modernistes, un jeune auteur, Edmond Rostand, versificateur particulièrement doué mais démodé et qui vient de connaître un échec cuisant  avec  La princesse lointaine malgré la présence de Sarah Bernhardt, se voit entraîné à écrire une pièce en vers pour l’acteur Coquelin qui veut sauver son théâtre et ce en quelques jours...

Michalik nous entraîne alors dans cette fièvre créatrice d’un théâtre de bric et de broc où l’on répète le 1er acte d’une pièce dont les suivants ne sont pas encore écrits, où décors et costumes sont pitoyables, où les exigences des producteurs et des acteurs menacent de faite capoter la pièce ou d’en faire un four mémorable. L’inspiration, Edmond la trouve au café tenu par Honoré ou en aidant son ami acteur Léo amoureux d’une costumière Jeanne et qu’il va sublimer en Roxane, celle dont Cyrano au visage ingrat affublé d’un grand nez est secrètement amoureux mais qui prête sa voix et sa plume au beau Christian d’où la fameuse scène du balcon et la scène finale de la lettre.

 

Comment ce four annoncé devient un succès fulgurant, c’est ce que retrace le film avec une pléiade d’acteurs tous excellents et qui réussissent également à faire passer tout le « panache » ou  l’émotion que recèlent les principales scènes de la pièce.
Un film à voir et que l’on recommande aussi aux collégiens ou lycéens  pour une approche non rébarbative du théâtre classique. 

 

 La pièce est jouée quatre cents fois de décembre 1897 à mars 1899 et atteint la millième en 1913. 150 000 exemplaires du texte sont rapidement vendus en France et traduits dans de nombreux pays. Pour la seule année 1898, la pièce rapporte une recette de 2 286 000 francs, un chiffre d’affaires jamais atteint par un théâtre. 

Cyrano malgré la difficulté du rôle, 1700 vers à apprendre, a été joué par les plus grands acteurs, Jean Piat, Jacques Weber, et au cinéma par Gérard Depardieu en 1990.

 

Edmond Rostand écrira encore un pièce à succès L'Aiglon avec à nouveau Sarah Bernhardt en 1900. Il décèdera en 1918 à 50 ans sans doute de la grippe espagnole et  sans avoir retrouvé le succès., sa pièce de 1910, Chantecler très attendue n'étant pas à la hauteur des espérances.