Films vus en 2020

L'ombre de Staline

L'ombre de Staline de Agnieszka Holland avec James Norton, Vanessa Kirby, Peter Sarsgaard...Vu le 04/08/2020 

Un jeune reporter gallois, conseiller du premier ministre Lyod Georges, Gareth Jones,  a réussi à avoir par culot une interview d'Hitler accédant au pouvoir et dénonce ce qu'il a ressenti dans ses propos comme devant inéluctablement entraîner une guerre, mais il n'est pas cru et même renvoyé. Il cherche alors à obtenir à Moscou en 1933 un interview de Staline pour se faire expliquer comment se réalise le miracle économique soviétique.  Arrivé dans la capitale russe il apprend la mort de son contact, assassiné. A force d'insistance il parvient à décrocher un voyage en Ukraine, le grenier à blé de l'URSS, le blé, l'or de Staline. Dans le train il fausse compagnie à son garde du corps et s'enfonce seul dans la  campagne ukrainienne où il fait une terrible découverte. Dans les paysages enneigés c'est une misère noire, les morts qui s'amoncèlent, les enfants livrés à eux-mêmes réduits même au canibalisme, c'est ce qu'on a nommé "l’Holodomor", l’extermination par la faim de millions de personnes en Ukraine, orchestré par Staline pour financer le "miracle soviétique".  Rattrapé par la police, il est rapatrié en Angleterre à condition de ne pas parler de ce qu'il a vu mais seulement du miracle économique, son silence sauvant 6 ingénieurs anglais accusés d'espionnage. Bien entendu Gareth Jones n'est pas cru, mais réussit à faire publier un article qui est immédiatement démenti par le représentant à Moscou du New York Times, Walter Duranty, qui obtiendra d'ailleurs le prix Pulitzer pour ses articles élogieux sur la politique de Staline.

Gareth Jones, on dirait aujourd'hui qu'il fut un exceptionnel "lanceur d'alerte", sera assassiné quelques années après en Mongolie peut-être d'ailleurs par les services secrets de l'URSS. Totalement oublié, ce film lui rend hommage et dévoile un pan peu glorieux de l'histoire et les aveuglements des dirigeants de l'époque qui font écho à nos aveuglements d'aujourd'hui.

Un film qui n'est pas un chef d'oeuvre mais qui se laisse voir avec beaucoup d'intérêt.

Lands of murders

Lands of Murders vu le 28/07/2020

N'ayant pas eu un gros coup de coeur pour ce thriller pour le retour au cinéma après 5 mois de confinement-déconfinement j'utilise la critique du journal l'Union de Reims qui correpond le mieux à mon ressenti.

L’action se déroule au début des années 1990 dans une petite ville des environs de Rostock, en ex-Allemagne de l’Est. Dans ce « trou à rat », deux flics sont chargés d’enquêter sur la mystérieuse disparition d’adolescentes. L’un, Patrick Stein, venu de l’« Ouest », est obstiné mais respectueux des règles qui siéent à une « démocratie » (l’Allemagne fraîchement réunifiée) ; et l’autre, Markus Bach – un ancien de la Stasi ? – est un colosse cynique qui use de méthodes « personnelles ». Entre fleuve, bâtisses lugubres et marécage, leurs investigations les amènent à évoluer dans un environnement sordide, glauque…

À sa manière, Christian Alvart ressuscite le buddy movie, ce sous-genre policier qui associe deux flics dissemblables devant enquêter ensemble (48 heures, Double détente, Deux flics à Chicago…). Mais il évacue tout élément relevant de la comédie pour une réflexion sur le Bien et le Mal. Stein n’est aucunement un « bon » et Bach n’est pas que « méchant » : c’est plus compliqué que ça ! Une approche qui différentie Lands of murders du tout-venant hollywoodien, de plus en plus binaire.Dans le même esprit, les deux policiers n’hésitent pas à frayer avec des personnages louches (dont un marginal recruté comme supplétif !)… pour le « bien » de l’enquête

Au-delà du suspense, prenant, avec un dénouement fort, Lands of Murders vaut pour son état des lieux social. L’ex-RDA, soi-disant « paradis des travailleurs », apparaît comme un quart-monde déglingué que la population cherche à fuir à tout prix. Après la chute du Mur de Berlin, elle est devenue le lieu de tous les trafics et le point de chute de capitalistes sans scrupule, la « mafia d’(Helmut) Kohl », qui y perpétue « les mêmes magouilles qu’ailleurs ».

Techniquement, Christian Alvart tutoie l’excellence,(je n'irai pas jusque là, c'est bien filmé sans plus)  du cadre, des plus soignés (avec de superbes prises de vue aériennes), à la photo, crépusculaire.

Enfin, il faut parler de la performance de l’acteur allemand Felix Kramer dans le rôle du commissaire Bach, veste de cuir et moustache fournie, un dur comme on aime en voir à l’écran.

La fille au bracelet

La fille au bracelet  de Nicolas Demoustier avec Melissa Guers, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni, Anaïs Demousier ...Vu le 10/03/2020

N'ayant pas le temps de rédiger un compte rendu j'emprunte celui de Benoït G80publiée sur internet le 26 février 2020.
"« La fille au bracelet » de Nicolas Demoustier, est un film brillant qui a su mettre en relief tout ce qui concerne l’ambiguïté des relations et des sentiments familiaux, face au bouleversement, voire au chaos total que représente cette affaire de meurtre et dont la fille aînée Lise est suspectée ! Si l’enjeu même du procès est pourtant bien présent à l’écran, c’est pourtant celui de la famille, avec les répercussions et conséquences, qui est ici sous l’œil du microscope et ainsi du spectateur... Bien que l’essentiel du film se déroule au sein de cette salle d’audience, avec de plus un traitement très incisif et chirurgical, on reste ici plus préoccupé de l’attitude de la jeune accusée et de ses parents, que du dénouement final de cette sombre affaire. Le réalisateur a su en effet éviter les pièges de film de procès classique, en nous interpellant complètement quant à la personnalité profonde de Lise. On découvre ainsi pour la première fois, la jeune Mélissa Guers. Elle est justement pour le spectateur le pivot central, soit une véritable énigme, tant son jeu est manifestement dénué d’affect, d’empathie et d’émotion malgré le contexte oppressant de la situation qu’elle subit ! On découvre ainsi une jeune adulte très sûre d’elle, ayant un impact puissant sur son entourage... Quelle prestation impressionnante, où la froideur, la maîtrise, le calcul sont les maître-mots de ce personnage presque glaçant et imperturbable, au point de se demander jusqu’où est la part de vérité ou de mensonge, et dont même les parents ne semblent pas comprendre en découvrant leur enfant sous un autre jour ! La tension va ainsi devenir de plus en plus étouffante, ce que les jeux des avocates (général et de la défense) va encore renforcer par là aussi l’excellence des interprétations ! La mise en scène très tenue comme sur un fil, va ainsi donner une dimension dramatique très intense à ce procès, en lui donnant un aspect sec, quasi documentaire le plus souvent. On est totalement pris par ces plaidoiries argumentées, étayées et construites sous forme de joutes verbales habiles, par ces démonstrations abouties qui amènent des controverses et des retournements, tout en regardant toujours et toujours cette Lise ultra déterminée en toile de fond, prisonnière de sa cage de verre et pourtant plus que jamais observatrice. Impressionnant... Si la fin nous laisse perplexe, c’est précisément là aussi un autre atout de ce film, en nous mettant ainsi à la place des jurés, qui en leur âme et conscience auront rendu justice, plutôt que de simplement juger une jeune femme pour ce qu’elle semble laisser paraître. Ce film intelligent, particulier et pertinent par son approche, a de quoi faire réfléchir et questionner."

Le cas Richard Jewell

Le cas Richard Jewell de Clint Eastwood avec Paul Walter Hauser, Sam Rockwell, Kathy Bates, Olivia Wilde, Jon Hamm...Vu le 03/03/2020

 

Comment la collusion (sur l'oreiller) d'une journaliste ambitieuse (Katy Bates)  et d'un enquêteur du FBI (Jon Hamm) va faire passer le héros d'un jour à un suspect sur lequel se déchaîne l'acharnement médiatique et policier pour le forcer à craquer et avouer, aujourd'hui il faudrait ajouter aussi les réseaux sociaux...

Clint Eastwood 90 ans n'en finit pas de nous surprendre, déjà avec Sully, l'histoire du pilote qui a fait amerrir l'avion sur l'Hudson,  il avait pris le parti pris de ces héros que l'Amérique se fabrique du jour au lendemain pour les renier ensuite.  Ici Richard Jewell  est un de ces américains moyens qui fait partiellement échouer un attentat lors des Jeux olympiques d'Atlanta en 1996 sauvant beaucoup de vies même s'il y eut 2 morts et plus de 100 blessés. Qualifié immédiatement de héros, ayant droit à des interviews élogieux à la télévision, son comportement d'homme fruste, aimant l'ordre car élevé dans le respect de l'autorité mais renvoyé de postes dans la police et la sécurité, possédant des armes, vivant seul avec sa mère en fait un suspect aux yeux du FBI qui n'a pas de piste et qui le soupçonne donc d'être cet homme blanc frustré de vivre dans l'ombre et qui cherche par tous moyens à ce mettre en avant quitte à monter un attentat et le dénoncer aussi vite. 

Paul Walter Hauser incarne avec une grande justesse cet homme qui ne cesse de s'enfoncer par ses explications et justifications en se croyant être reconnu comme un "collègue"  de ces forces de l'ordre qu'il respecte tant et sur le point de tomber dans les pièges grossiers que lui tendent les agents du FBI, comme une vidéo de formation où il avouerait être l'auteur de l'attentat.
Heureusement il va faire appel à un avocat, Watson Bryant (Sam Rockwell) qui lui aussi est dans une passe difficile et qui plus que de le défendre va s'efforcer de lui rendre cette confiance nécessaire pour faire face à l'acharnement qui est à la limite de le détruire lui et sa mère totalement dépassée ( Olivia Wilde).  L'absence de preuves conduit à l'arrêt des poursuites et ce n'est que 3 ans plus tard qu'on retrouvera le véritable poseur de la bombe, un certain Eric Rudolph, proche de milieux religieux extrémistes luttant contre l'avortement.

La mise en scène tient en haleine malgré la longueur du film, pas d'effets ostentatoires mais un récit aux résonnances très contemporaines, il ne suffit pas d'être innocent quand la meute se déchaine.

1917

1917 de Sam Mendes avec George MacKay, Dean-Charles Chapman...  Vu le 21/01/2020

 

Pourquoi aller voir encore un énième film sur les horreurs de la guerre ?

Que peut donc apporter,  au delà de la confirmation peu réjouissante de la folie humaine qui déclenche ces conflits, ce périple de deux jeunes soldats anglais porteurs d'un message urgent à travers les tranchées, le no-mans land et les villages en feu avec leur cortège de cadavres et la mort qui rode à chaque instant ?

Dès le début et la rencontre en avril 1917 avec Schofield et Blake, les deux jeunes soldats britanniques dans une tranchée, on est pris par les séquences très fluides et au plus proche des protagonistes qui donnent l'impression constante et qui ne va plus nous quitter d'être avec eux et de partager leur appréhension. La mission quasi impossible qui leur est impartie crée une tension palpable dans leur progression boueuse, au milieu des trous de bombes d'où émergent encore des cadavres, dans les abris minés où pullulent les rats et dans  les retournements de situation. Ce qui plait aussi c'est que c'est un film humain, rien à voir avec les héros sur-vitaminés qui  jouent  les sauveurs du monde, ici modestie dans l'héroïsme du quotidien en temps de guerre, dans la soudaineté de la mort et dans les rencontres surréalistes comme celle d'une jeune femme au fond d'une cave.
Et de plus l'image est magnifique comme dans cette séquence des ruines se découpant sur fond d'incendie évoquant le fameux tableau "Verdun" de Félix Valotton.

Voilà, un moment que l'on ne regrette pas et dont on sort subjugué par la technique mise en oeuvre par Sam Mendes d'autant plus qu'elle se fait vite discrète.