Bernard MINIER

La Chasse

Ambitieux, mais peut être trop, le nouveau thriller de Bernard Minier s'inserre dans la face sombre du quotidien de la France contemporaine et cette forte tendance exprimée par ceux qui n'ont plus confiance dans les institutions et qui veulent ériger un nouveau système qui leur permettra de chasser ceux qui les dérangent  soit par leur race, leur couleur, leur religion, leur marginalité... Une chasse anonyme où les chasseurs traquent leur proie cachés derrière des masques d'animaux et on ne peut s'empêcher de penser aux pseudos utilisés par les dénigreurs de tout poil sur internet. 
J'écris ce compte rendu après l'épisode de la "Lettre des généraux" du 21 avril 2021 et "La Chasse" montre combien l'auteur a pressenti ce qui agite notre société puisque derrière son masque de coq c'est un général à la retraite, Thibault Donnadieu de Ribes qui anime un "groupe secret de policiers, juges et de militaires qui prétendent pallier les défaillances du système judiciaire en rendant eux-mêmes une autre justice".
On retrouve le commandant Servaz et son équipe, Esperrandieu mais surtout  Samira Cheung, qui sont mobilisés car un jeune gibier, nu et portant une tête de cerf, Moussa, à réussi à échapper aux chasseurs et a trouvé la mort renversé par une voiture. Ce n'est donc pas un thriller habituel que propose Bernard Minier où il faut attendre les dernières pages pour avoir la solution, ici, on connaît très vite l'identité de celui que l'équipe doit démasquer, mais il faut des preuves. On suit donc l'enquête qui découvre assez vite que d'autres personnes ont disparu, les difficultés de Servaz avec sa hiérarchie au sein d'un système policier qui est peut-être lui-aussi infiltré car les recherches que mène son équipe semblent être connues des adversaires et ce dans la période de pandémie et de couvre-feu qui compliquent l'enquête. Minier fait aussi intervenir directement le général qui au cours de réunions de ses affidés martèle les slogans de la mission qu'il s'est fixée : justice, honneur, civilisation....   et lorsque Servaz s'approche trop près de lui, sa compagne Léa est enlevée et son fils Gustav menacé ainsi d'ailleurs qu'une journaliste, Emma, enlevée pour avoir oser fouiller un peu trop dans le passé du général en Afrique et notamment son rôle dans une opération de l'Union européenne en République démocratique du Congo en 2005, appelée opération Artémis-Bamba.
Comment se terminera le face à face Général/Servaz ? La fin de l'ouvrage permet de l'apprendre dans la fureur d'une cavalcade effrénée.

Comme d'habitude le roman est addictif et Bernard Minier sait conduire son lecteur là où il le souhaite.
Si d'ordinaire je suis inconditionnel de Minier et recommande la lecture de ses ouvrages,  pour ce roman je peux comprendre que les faits de société qui tombent un peu comme des copiés-collés puissent ne pas convaincre certains.

 

Bernard Minier - La chasse - XO éditions - 470 pages - mars 2021 - 21,90€

 

La Vallée

Et on retrouve avec grand plaisir Martin Servaz, le héros des premiers tomes, dans une enquête hors normes dans ces vallées pyrénéennes qu'un éboulement peut couper du reste du monde pendant de long jours, une solitude d'autant plus angoissante et terrifiante quand  les meurtres s'accumulent.

Martin a récupéré son fils Gustav mais il est suspendu par sa hiérarchie  or, une nuit, lui parvient un appel impensable, celui de sa femme Marianne disparue depuis 8 ans : "Martin je me suis évadée ...je suis dans une forêt au dessus d'une vallée et j'ai aperçu une abbaye...Viens à mon secours". Evidemment Martin reconnaît le lieu et part à son secours rejoindre de nuit Aiguesvives et son abbaye. Il persuade l'abbé de faire une battue mais sans résultats.  Puis il apprend qu'il y a eu deux meurtres terrifiants avec des indices laissant penser à des messages du (ou des) meurtrier(s). Ainsi Martin qui a réussi à s'intégrer à l'enquête menée par son ancienne collègue Irène comprend qu'il y a un lien entre les meurtres et la disparition-réapparition de Marianne. Du  fait d'un éboulement sans doute provoqué qui coupe la seule route d'accès à Aiguesvives l'enquête se déroule en milieu confiné (tiens, tiens...air connu en ce moment). Bien entendu la tension monte, le village est en ébullition, des jeunes en suivi psychiatrique se réunissent entre eux pour des cérémonies étranges, et Martin est peut-être plus proche des assassins qu'il ne le croit à suivre la piste de Marianne et il est peut-être menacé lui-même.

L'enquête est prenante, toutefois avec un air de déjà vu qui atténue le plaisir de cette histoire aux multiples rebondissements car dès les premières pages, l'auteur capte notre attention et crée une sorte d'addiction. Le fait de retrouver des personnages récurrents comme l'enquêtrice Irène Ziegler ou les allusions à l'institut Wargnier et à Julius Hirtmann  permettent aussi de se plonger facilement dans l'histoire.
On passe un bon moment et c'est l'essentiel.

 

Bernard Minier - La vallée - XO éditions - 530 pages - mars 2020 - 21,90€

M - Le bord de l'abîme

Une jeune française, Moïra Chevalier est engagée à Hong Kong par une firme spécialisée dans l'intelligence artificielle qui s'appelle Ming du nom de son fondateur et dont le logo M est présent partout dans cette ville qui est décrite par Minier comme " une putain de ville dont le dieu s'appelait Argent, Fric, Blé. Money. Give me money" . Dans cette société ultraconnectée, Moïra est  tout de suite équipée d'un téléphone, d'une tablette et d'un bracelet Ming qui à la fois lui donnent les infos, lui ouvrent les accès dans la société gardée par des chiens robots mais également, sans aucun sens de l'éthique, retransmettent tout à l'ordinateur maison appelé Sherlock.  Son rôle va être de donner plus d'humanité à un chatbot  c'est à dire un assistant conversationnel créé par Ming et qui s'appelle DEUS. "Je m'appelle Deus je suis une IA (Intelligence artificielle) unique qui  vous aidera à prendre les bonnes décisions à chaque moment de votre vie...." car Deus est nourri de toutes les informations personnelles récupérées  sur le Big Data et révélatrices du comportement des gens.

Une création qui est sans doute ce que nous préparent les géants du web et celui qui, à l'exemple de Ming (Minier n'est pas sans évoquer le rôle inquiétant de la Chine), réussira à créer le meilleur programme d'agent conversationnel universel imposera la norme du futur. Et Ming prépare un Deus "si puissant que les gens en auront besoin à chaque instant de leur vie et le laisseront prendre les décisions à leur place".

Mais Minier pimente également son récit d'une série de meurtres atroces qui se passent à Kong Kong et qui visent des jeunes femmes qui hasard ?, ont été des employés de Ming.  Contactée de manière clandestine par un inspecteur de la police de Hong Kong, Mo Po Chang,  qui non seulement soupçonne des malversations dans la gestion de la société mais également pense qu'elle abrite le fameux tueur en série, Moïra va évidemment  se lancer dans une enquête en s'attachant à ses collègues dont Julius le fils de Ming Jianfeng. Mais ceux que Moïra  soupçonne sont à leur tour assassinés...

On est dans un thriller anxiogène, au climat oppressant d'autant plus qu'un typhon très puissant va balayer Hong Kong et c'est au fil des ravages des rafales de vent que la vérité va se faire jour. 

C'est sûr que la vision du monde ultra-connecté que donne Bernard Minier fait froid dans le dos, surtout quand le pouvoir est aux mains de personnes sans aucun scupule et à la soif de domination dévorante...

Un très bon thriller 

 

Bernard Minier - M - Le bord de l'abîme - XO éditions - 570 pages - mars 2019 - 21,90 €

 

Une putain d'histoire

Changement de continent, de décor, de héros, Bernard Minier s'inspirant du thriller américain nous entraîne sur une petite ile du nord-ouest des Etats Unis, Glass Island. Comme dans ses autres romans l'histoire se déroule donc dans un univers clos où les éléments jouent un rôle primordial, ici le vent,  la mer  et la pluie.
Comment le meurtre d'une jeune fille retrouvée noyée, nue  et scarifiée entrourée d'un filet de pêche se conjugue avec une cavale de plus de 16 ans pour cacher un enfant toujours recherché par son père, comment l'action d'un maître chanteur qui semble au courant de tout ce qui se passe sur l'ile va aboutir à d'autres meurtres,  comment une bande d'ados se soude pour découvrir le meurtrier de leur amie puis se déchire lorsqu'un bout de la vérité apparaît, comment un homme politique patron d'une entreprise sophistiquée de surveillance lance ses drones pour traquer son présumé fils et comment nous avons été mené en bateau du début jusqu'aux dernières pages, c'est tout cela que nous propose Bernard Minier et bien plus encore. 

Ici le héros est un jeune garçon Henry,  il est le petit copain de Naomi la jeune fille assassinée et donc le principal suspect aux yeux de la police notamment, avec ses potes de lycée il va se lancer dans une enquète pour retrouver le coupable découvrant au passage des activités louches insoupçonnées sur cette petite ile où tout le monde se connaît. Adopté et élevé  par deux femmes Liv et France, on soupçonne donc vite qu'il est celui que recherche        Grant Augustine avec ses moyens colossaux d'espionnage au travers des téléphones connectés notamment mais                                                     aussi les recherches que mènent ses enquêteurs dont son bras droit, Jay. Bien sûr les deux recherches vont finir                                                       par converger...dans les 50 dernières pages qui sont dignes d'un maître du suspens. 

                                                    L'hisoire est complexe mais maitrisée avec des thématiques secondaires d'actualité comme les difficultés du                                                             passage de l'adolescence à l'âge adulte, le flicage informatique et les dangers que recèle l'appropriation par un                                                       homme à son profit des moyens d'une agence de renseignement, la vie d'une famille lesbienne plus ou moins                                                           bien supportée au sein d'une communauté.  Les descriptions sont précises et transforment peu à peu une ile qui                                                     de paradisiaque devient flippante.

 

                                                    Bref un très grand Bernard Minier même si ça et là le récit contient quelques invraisemblances...

 

                                                    Bernard Minier - Une putain d'histoire - Pocket 16590 - mai 2016 - 598 pages - 8,20 euros

 

N'éteins pas la lumière

300 pages d'une descente vertigineuse  aux enfers comme personne ne souhaiterait en vivre aux limites du suicide tant la situation devient invivable...et 300 pages pour peut-être en ressortir, c'est ce qui vous attend à la lecture de "N'éteins pas la lumière". Avec un mauvais jeu de mots on pourrait d'ailleurs dire qu'une fois le livre commencé il est difficile d'éteindre la lumière car Bernard Minier manie le suspense et la surprise une nouvelle fois avec un art consommé. Bien sûr on retrouve Martin Servaz, mais dans un rôle secondaire, l'héroïne étant Christine Steinmeyer, animatrice radio, accusée à l'antenne par un auditeur de n'avoir pas cherché à sauver une personne du suicide et qui se retrouve victime, comme d'autres, d'une personne qui lui pourrit la vie apparemment sans raisons. On est à Toulouse entraînés dans le milieu de la conquête spatiale, de l'entraînement des spationautes tant à Toulouse qu'en Russie où l'on participe aux préparatifs d'une mission vers la station internationale réunissant des cosmonautes russes et français un homme, Léo Fontaine et une femme, Mila Bolsanski. Une cohabitation dans l'espace qui apparemment se passe mal entre hommes et femme, y a t'il eu un viol ?

Les moments dramatiques sont de plus ponctués par des airs d'opéra sur la jalousie, l'envie, la vengeance et qui se terminent par les suicides des héroïnes, une piste qui va d'ailleurs permettre à Martin Servaz de mener une enquête parallèle malgré le fait d'être en congé maladie dans un centre pour policiers dépressifs car il                                                                 n'arrive pas à se remettre du meurtre de sa compagne Marianne par Julian Hirtmann, une enquête qui va                                                                   finalement croiser la route de Christine et éclairer un dénouement haletant... 

 

                                                      Bernard Minier - N'éteins pas la lumière - Pocket 16172 -février 2015 - 703 pages - 8,50 euros

Le cercle

Même si "Le cercle" s'inscrit dans une suite de "Glacé", premier livre de Bernard Minier, il n'est toutefois pas nécessaire de l'avoir lu pour être conquis par ce thriller qui par ses multiples rebondissements nous fait tourner en rond..Ah, ah, ah...

La petite ville imaginaire de Marsac dans le Sud-Ouest est le théâtre de meurtres liés au milieu universitaire...Le commandant Martin Servaz et son équipe de la brigade criminelle de Toulouse sont chargés de les élucider. Touché de près par des menaces et des agressions envers lui-même et ceux qu'il aime, dont sa fille Margot, Martin Servaz est au coeur d'une action dont les prémices surgissent du fond d'un lac et sont liés à ses premiers amours à Marsac...Une valse de coupables possibles, dont un politicien, un professeur, des élèves brillants qui initient un mystérieux cercle et un meurtrier en cavale, Julian Hirtmann, qui ressurgit de "Glacé" et fait rôder la peur...Une petite ville de province où circulent la drogue et les relations adultères avec une bonne peinture des milieux politiques et des prépas littéraires...Voilà quelques ingrédients qui vont mener progressivement jusqu'à un dénouement aussi haletant qu'une prise d'autoroute à contresens...On est en juin 2010, en pleine coupe du monde de foot et l'atmosphère est aussi pesante que dans les vestiaires de l'équipe de France. Evidemment comme souvent les dernières pages éclairent les premières...On est conquis, le scénario est très habile et c'est de plus bien écrit...On en redemande

                                                       Merci à Coralie et Jérôme pour cette découverte. 

 

                                                      Bernard Minier : Le cercle - Pocket 15696 - 2014 - 786 pages - 8,40 euros. Prix 2013 des Bibliothèques et des                                                                           Médiathèques du Grand Cognac

                                                      

Glacé

"Glacé" est le premier livre de Bernard Minier, roman noir dans un univers blanc, puisqu'il se situe en hiver dans un lieu clos où tombe la neige, une ville immaginaire, Saint Martin de Comminges dans les contreforts des Pyrénées.

"La centrale ? Ici Huysmans ! Appelez la gendarmerie ! Vite ! Dites-leur de rappliquer ! Il y a un cadavre ici ! Un truc de malade !" 

C'est effectivement le cadavre d'un cheval sans tête à la peau découpée comme pour former des ailes que le commandant Servaz va découvrir attaché au pylone de la gare d'arrivée au sommet du téléphérique. L'ADN retrouvé sur les lieux du tueur en série, Julian Hirtmann, enfermé dans une cellule de sécurité du Centre de psychiatrie pénitenciaire  dans la vallée vient rendre la situation encore plus énigmatique.

L'enquête du commandant Martin Servaz, le flic qui prophère des aphorismes en  latin, va mettre à jour une histoire de sombre vengeance...C'est dans le passé que vont devoir creuser Servaz et sa brigade, un passé lourd, constitué de souffrance, de violence, de blessures non cicatrisées mais surtout d'injustice et d'impunité. Une suite de meurtres, une suite de suspects dont certains très proches                                                         de Servaz, entraine une "avalanche" de rebondissements, jusqu'au dénouement habile. 

                                                   

                                              Bernard Minier - Glacé - XO éditions - 2011 -558 pages - 20,90 euros - existe en poche Pocket - 8,50 euros