Guillaume MUSSO

L'inconnue de la Seine

Je vais essayer cette fois de vous faire part d’une déception et ce qui n’est pas facile, autopsier un loupé.
Tout n’est pas raté loin de là alors commençons par le bon.
L’intrigue au départ est séduisante. Roxane Montchrestien, une flic placardisée va tomber sur une étrange affaire. Une jeune femme a été repéchée nue dans la Seine et s'est échappée du commissariat où elle était conduite or elle avait laissé un message au commissaire Marc Batailley celui dont Roxane vient de prendre la succession car il est dans le coma à l'hôpital.  Hors procédure elle s'incruste dans l'affaire et fait réaliser des analyses ADN d'une touffe de cheveux laissée par la jeune femme qui révèle son identité il s'agit de Milena Bergman, une pianiste de renommée internationale. Impossible car Milena est morte dans l'accident d'avion Buenos-Aires-Paris en novembre 2019 un an auparavant avec les 177 autres passagers et de plus elle était la fiancée d'un écrivain, Raphaël Batailley, le fils du commissaire, dont elle était enceinte, or les analyses montrent que l'inconnue est enceinte. Bien que pas totalement originale cette intrigue suffit à captiver le lecteur qui suit Roxane dans ses recherches aidée par une jeune thésarde et par Raphaël Batailley qu'elle a réussi à retrouver.

De surprises en surprises Musso distille une vérité assez surprenante mais d'une grande logique, un petit mensonge ayant entraîné une succession d'évènements tragiques.

C'est alors aux trois-quarts du roman que celui-ci bascule et rend la fin décevante. Quelles en sont les raisons à mes yeux.
Premièrement cette propension des auteurs à vouloir flirter avec les idées en vogue pour faire actuel et dans ce cas Musso cède aux idées conspirationnistes. Pour donner une portée plus générale à la seule intrigue policière il change de braquet et déraille. En effet il dévoile que certains des protagonistes de l'histoire appartiennent à une conspiration internationale de sectes dionysiaques dont les orgies se termineraient par des sacrifices humains, une sorte de théâtre radical où l’on rivalise où l’on rivalise dans la dénonciation du capitalisme de l’Etat jusqu’à en tuer les serviteurs . Même si Musso le justifie en disant que "Le monde entier est un théâtre" et que la tragédie, un mot dont l'étymologie signifie "chant du bouc", ce bouc que l'on sacrifiait lors des grandes Dionysiaques, on a plutôt l'impression que cela tombe comme un cheveu sur la soupe et d'une fin superficielle et inachevée, dommage.

Deuxièmement, Musso sacrifie lui-aussi à une tendance actuelle qui est de placer de nombreuses illustrations pour rendre l'histoire plus crédible : dessins, photos, articles de presse...est-ce vraiment utile. ? Toutefois l'une des photos p 96 est relative d'ailleurs à un fait divers qui a inspiré Musso. Au XIXe siècle une jeune femme inconnue fut repêchée en bord de Seine, un employé de la morgue frappé par la beauté de son visage en avait fait un moulage qui fut dupliqué à des milliers d'exemplaires. 
Troisièmement , les personnages sont peu fouillés et on reste au bord du chemin avec eux.

C'est donc loin d'être le meilleur Musso mais "L'inconnue de la Seine" se lit facilement et traduit une fois encore traduit la grande culture de l'auteur.

 

Si vous avez envie d'un roman polar pour vous détendre alors n'hésitez pas.

Guillaume Musso- L'inconnue de la Seine - Calmann Levy - 425p. - septembre 2021 - 21,90

La vie est un roman

A la lecture de cet opus de Musso on peut se demander si l'écrivain qui s'interroge sur le processus de création littéraire avec un roman dans le roman et des personnages de fiction qui prennent vie n'est pas la solution trouvée pour des auteurs en mal d'inspiration. C'est vrai que par moments on a cette impression à la lecture de La vie est un roman, mais il est vrai aussi que le talent de Musso fait surmonter cette sensation première. 

Le début du roman est intrigant, une petite fille de 3 ans, Carrie,  disparaît mystérieusement, en jouant à cache cache, de l'appartement de Flora Conway, une célèbre romancière, à New York. Parallèlement à Paris, Romain Ozorski, écrivain lui-aussi célèbre se débat entre les affres de l'écriture de  son nouveau roman et la perte de son fils, Théo,  dont sa femme veut la garde exclusive et l'emmener aux Etats Unis avec elle.

Leurs deux histoires s'interpénètrent alors dans un parallélisme étonnant, perte d 'enfant, panne d'écriture, mari chorégraphe pour l'une, femme danseuse pour l'autre... Comme si l'auteur avait tendu un double miroir où se reflèteraient dans une composition en abîme leurs doubles vies imbriquées.

Une troisième personne, l'éditrice tant de Flora que de Romain, Fantine de Vilatte détient peut-être les clés pour apporter des éléments qui vont nous permettre de dégager ce qui relève de la réalité et ce qui relève de la fiction. "Rien n'est plus proche du vrai que le faux. Et personne ne se trompe plus que ceux qui s'imaginent ne vivre que dans la réalité, car à partir du moment où les hommes considèrent certaines situations comme réelles, elle deviennent réelles dans leurs conséquences."

 

Sans doute pas le meilleur Musso mais agréable à lire, contrairement à bien d'autres je préfère les romans de Musso quand il privilégie l'option thriller (Central park, La fille de Brooklyn, La jeune fille et la nuit...)


 Guillaume Musso - La vie est un roman - Editions de Noyelles - 305 pages - mai 2020 - 21,90 €

La jeune fille et la nuit

Voilà un roman qui m'a beaucoup plu, en partie sans doute parce qu'il se passe sur la Côte d'Azur et que l'on identifie parfaitement les lieux que Guillaume Musso décrit avec talent, notamment Sophia Antipolis, Antibes et leurs environs. (Guillaume Musso est d'ailleurs né à Antibes).

Construction à la mode, l'intrigue se déroule sur deux époques l'une en 1992 où un meurtre a été commis et l'autre 25 ans plus tard en 2017 lorsque l'emplacement où se trouve le cadavre risque d'être découvert à la suite de travaux au lycée international Saint Exupéry. En effet, le narrateur, Thomas Degalais, y était élève et il y revient pour la fête du 50ème anniversaire du lycée retrouver ses condisciples et même complices. En effet dès les premières pages on sait que Thomas devenu romancier à succès  est coupable avec son ami Maxime du meurtre d'un professeur de philosophie Alexis qui avait séduit la belle Vinca Rockwell. Une très belle fille à l'aura maléfique, coqueluche de tout le lycée et que Thomas pensait être sa petite amie, d'ailleurs Vinca cette même nuit a disparu, la rumeur l'ayant associée à la disparition d'Alexis. Comment Guillaume Musso par petites touches nous fait partager une histoire autrement complexe que les prémices pouvaient le faire supposer, une histoire où 25 ans après cohabitent les souvenirs et les rancoeurs, les inquiétudes alors que la vengeance rode, les fausses déductions et les liens complexes entre les parents de Thomas et Maxime. On est emporté jusqu'au final qui  surprend vraiment lié à la révélation de ces secrets de famille qui font le bonheur des romanciers                                                                           pour notre grand plaisir.

                                                                   Un bon Musso qu'on à peine à lâcher

 

 

                                                                    Guillaume Musso - La jeune fille et la nuit - Calmann Levy - 432p - février 2019 - 21,90 euros

 

Un appartement à Paris

Comment réussir en quelques mots à traduire l'ensemble des émotions que suscite ce livre addictif surtout dans le dernier tiers qui s'avale presque sans respirer....

Quand le hasard, qui fait bien les choses, réunit à Paris dans la maison du peintre Sean Lorenz mort depuis un an, deux êtres aussi opposés que Madeline et Gaspard, une ex-flic et un auteur en mal d'inspiration, il nait tout de suite une tension qui, et c'est un des grands talents de Musso, va irriguer tout le roman jusqu'à passer dans nos veines. Une alliance improbable les lance dans la quête des 3 derniers tableaux de Sean Lorenz,  mais ce n'est qu'un prélude,  une tout autre chasse va s'enclencher une chasse à l'homme et à l'enfant ou plus exactement au tueur en série d'enfants  appelé "le roi des Aulnes". Cette chasse qui va se  dérouler sur 4 jours, du 22 au 26 décembre tant à Paris qu'à New York, met à jour leurs propres failles, le rejet de la paternité par Gaspard du fait de sa relation à son père, le désir de maternité de Madeline parce qu'elle n'a pas eu d'enfant avec l'homme qu'elle a quitté, désir d'ailleurs exacerbé  par la beauté des photos de Julian, le jeune fils de Sean Lorenz.  Au cours de l'enquête l'esprit rationnel de l'ex-femme flic Madeline s'oppose aux élucubrations de l'écrivain Gaspard, tous eux découvrant au fur et à mesure d'autres personnages que les traumatismes de l'enfance ou de la jeunesse ont eux entrainé dans des voies violentes.

La trame mèle les récits des vies de Madeline et Gaspard  et leurs  recherches parallèles, entrecoupés de propos de  Sean Lorenz, ce peintre de rue de New York qui va connaître une soudaine notoriété internationale, (Musso en profite d'ailleurs pour introduire des considérations intéressantes, mais parfois un peu pédantes et teintées d'ironie sur l'art contemporain) ou de sa femme Pénélope, anéantie par le malheur et défigurée par la chirurgie esthétique.  C'est une construction habile où chaque court chapitre entraîne dans une direction imprévue ou dévoile un  personnage surprenant et ce jusqu'à la fin... étonnante. Le style est enlevé, quelques réserves toutefois liées à certains passages un peu trop faciles ou un peu trop clichés notamment dans des desciptions de Paris ou New York.

C'est sans doute un ouvrage plus profondément humain que les précédents avec notamment cette constante interrogation sur le rôle du père ou de la mère et le désir de fonder une famille.

 

Ce n'est sans doute pas le meilleur Musso mais il s'en rapproche....

 

Un appartement à Paris -Guillaume Musso - XO éditions - mars 2017 - 473p - 21,90 euros

La fille de Brooklyn

Attention, voilà un ouvrage difficile à lâcher dès la lecture des  premières lignes...Un très bon Musso.

 

Michaël, un écrivain à succès, père d'un garçon de deux ans veut tout savoir du passé de sa fiancée Anna, 25 ans,  interne en médecine qu'il connaît depuis peu et sans le savoir ouvre la boîte de Pandore puisque après lui avoir demandé « Si j’avais commis le pire, m’aimerais-tu malgré tout ? »  et lui avoir montré une photo, Anna disparaît...

On suit alors Michaël dans sa quête pour retrouver Anna, il est d'ailleurs aidé par un ami policier, Marc Caradec qui sert aussi de nounou à son fils, les deux hommes vont mener l'enquête l'un aux Etats Unis, notamment à Brooklyn, l'autre en France, en Lorraine et en Alsace.   Les courses poursuites, les nombreuses fausse pistes, les informations distillées sur le passé trouble d'Anna créent un étonnant cocktail d'angoisse et de suspens, le tout dans l'ambiance des primaires de l'élection américaine (on est en 2016) et des affrontements des candidats mais aussi des révélations sur les femmes séquestrées par des psychopathes...

Guillaume Musso fait vivre trois personnages d'exception, Raphaël, l'écrivain qui se lance dans l'enquête comme dans l'écriture d'un roman, il extrapole, il imagine, Marc Caradec le flic ambigu brut de décoffrage mu par un désir de vengeance et Anna, la jeune femme trouble qu'on ne sait classer, est-elle vraiment une victime ? Mais Musso a su également imbriquer les destins de plusieurs autres personnages rendant l'intrigue multiple et riche, poussant à s'interroger sur ce qu'est la parentalité, l'amour, le destin, le désespoir de la perte d'un enfant...Par ailleurs les différents lieux où se déroule l'action comme Brooklyn ou même Antibes sont particulièrement bien décrits.

 

Un thriller comme on les aime, aussi prenant que Central Park, toutefois dans un registre différent, à lire d'urgence....

 

La fille de Brooklyn - Guillaume Musso- XO éditions - mars 2016 - 473 pages - 21,90 euros

 

L'instant présent

Le cru 2015 de Guillaume Musso est bon mais bien loin de l'exceptionnel "Central Park"...

Un jeune médecin urgentiste pousse une porte métallique dans la cave du "Phare des 24 vents" proche  de Boston. Il vient d'en hériter. Subitement il disparaît en juin 1991...condamné par la malédiction du phare à ne réaparaître qu'un seul jour par an.
Le phénomène va se répéter 24 fois où chaque fois  Arthur Costello, le héros, se retrouve dans des situations le plus souvent cocasses ou dramatiques...on a donc une succession de 24 chapitres assez répétitifs...qui certes permettent, comme le dit Musso dans un interview :"d'assister à une traversée accélérée des dernières décennies. Cela me permet de suivre l’évolution de la relation d’un couple sur près d’un quart de siècle. Les destins d’Arthur et de Lisa vont s’entremêler. Pendant plus de deux décennies, ils vont s’aimer, se déchirer et lutter pour déjouer les pièges que leur impose le temps...L’un des enjeux du roman était ainsi de construire un parallèle entre les bouleversements sociaux, politiques ou technologiques et les bouleversements intimes d’une vie singulière.

Aux détours de références historiques et culturelles, j’ai aussi essayé d’esquisser le portrait d’une certaine génération pressée, prise dans un entre-deux siècles durant lequel le monde s’est transformé."
C'est vrai qu'on sourit de l'initiation progressive d'Artur à l'informatique et Internet qui rappelle à chacun ses propres difficultés...que le personnage du grand-père d'Arhur, Sullivan, est particuluièrement attachant.  Toutefois,  on attend vraiment la fin...celle qui en quelques pages viendra donner les explications.
On est surpris certes, on applaudit intérieurement à la belle pirouette du romancier, à la brillante démonstration du pouvoir sélectif de notre mémoire...mais il manque l'étincelle d'excitation qui permet d'adhérer pleinement.

L'instant présent - Guillaume Musso - XO Editions - mars 2015 - 372 pages - 21.90 euros

Central Park

Que voilà un très bon Guillaume Musso, une intrigue qui vous tient en haleine de la première à la dernière ligne....attention à ne pas commencer la lecture tard le soir car vous risquez de passer une nuit blanche.

Partons de la couverture du livre, une femme de dos sur un banc domine New York, le lieu de l'action, un pistolet à côté d'elle, c'est suffisant pour penser que c'est l'héroïne, Alice, une femme flic ...mais le diabolique Musso nous décrit une situation surprenante, Alice est en effet une femme flic mais parisienne qui se retrouve sur un banc à Central Park menottée à Gabriel à 8 heures du matin, or Alice faisait la veille la fête avec des copines  sur les Champs Elysées à Paris et Gabriel jouait du piano dans un club de jazz à Dublin...

Ca y est, votre curiosité est aiguisée, comment est-ce possible ? Même avec le décalage horaire, comment une telle situation a pu se produire. Alice et Gabriel de plus, ne se connaissent pas et leur destin est fermement lié...par les menottes. Qui est l'artisan machiavélique de cette mise en scène  et pourquoi ?  
On suit pas à pas ou plutôt de rebondissement en rebondissement le duo Alice-Gabriel tentant de dénouer l'écheveau de leur passé pour trouver une solution alors que plane constamment une menace sur leur vie, pourquoi du sang sur le chemisier d'Alice, pourquoi manque t'il une balle dans le revolver qui d'ailleurs n'est pas le sien, y-a-t'il un rapport avec le tueur en série qu'elle a pourchassé et qui l'a poignardée deux ans auparavant occasionnant la mort de son bébé...Plus on avance dans la lecture et plus le doute s'installe, des indices ont forcément dû échapper à une lecture vigilante... et bien non ! Le final est époustouflant et en quelques lignes tout se met en place...on est bluffé...à savourer...

 

 

Central Park - Guillaume Musso - XO Editions - mars 2014 - 392 p - existe en poche chez Pocket N° 16290 à 7,99 euros