Sylvain PRUDHOMME

Par les routes

"Le monde se divise en deux catégories. Ceux qui partent. Et ceux qui restent."
Le hasard conduit à la retrouvaille dans une ville du sud de la France de deux amis d'enfance qui ont pratiqué ensemble l'autostop, Sacha, le narrateur et celui qu'on ne connaîtra que sous le nom de "l'autostoppeur" . Si Sacha s'installe, l'autostoppeur lui ne cesse de partir poussé par une volonté supérieure de sillonner les autoroutes, les aires mais aussi les petites routes et de profiter de rencontres éphémères avec ceux qui le prennent en charge. Au fil des ses périples il envoie à sa femme Marie et son fils Augustin des cartes postales des lieux aux noms enchanteurs des villages traversés mais aussi des photos des personnes qui s'arrêtent pour le prendre, au total 1432. Peu à peu l'autostoppeur part de plus en plus longtemps et Marie se décide elle -aussi de partir avec pour objectif de le retrouver, ce qu'elle fera mais cette rencontre  va au contraire les éloigner, le fossé de l'ailleurs est trop profond à combler. Sacha finit par s'installer, comme un coucou,  dans le nid abandonné,  avec Marie et Augustin et leur vie commune est rythmée par les cartes postales qui progressivement se font plus rares jusqu'au retour de l'autostoppeur qui entraîne Sacha dans une dernière virée ensemble comme un  retour aux sources de leur forte amitié d'enfance et disparait. Puis arrive cette extraordinaire convocation d'une rencontre avec la "grande famille" de tous ceux rencontrés par l'autostoppeur dans un petit village appelé Camarade, comme un symbole superbe de notre vie, jallonnée elle-aussi de belles rencontres plus ou moins éphémères mais qui en font tout le charme.

L'écriture est plaisante faite de phrases courtes qui donnent un certain rythme même si l'ensemble est assez lent, les descriptions sont pleines de charme comme celle-ci du Morvan : "ça ressemble à quoi le Morvan me demandait Augustin. Je lui racontais les forêts de feuillus, la rondeur des collines, les troupeaux de vaches, l'eau des rivières, les canaux, les écluses, les scieries. .. J'allais voir sur Google images. Je regardais l'écran se couvrir de paysages vert chlorophylle, morceaux détachés  d'un monde tout entier fait de forêts, de rivières, de galets. Je montrai à Augustin les clochers ça et là, les toits d'ardoise, les ponts sur les rivières....La France. Cette entité extraordinairement vague et circonscrite à la fois, à l'assaut de laquelle il partait toujours plus ou moins en s'en allant sur les routes."

Un prix Femina 2019 bien mérité.

 

Sylvain Prudhomme - Par les routes - L'arbalète Gallimard  - 296 pages - septembre 2019 - 19 euros