N'ayant pas le temps de faire un compte rendu j'emprunte à Babelio celui de Kittiwake du 16 avril 2016
Difficile de rester indifférent à un tel remue-méninges!
Luke Rhinehart, psychanalyste, marié, deux enfants ronronne dans sa vie : il manque des épices, du piment, quelque chose qui le sorte de cette gangue d'une histoire banale et prévisible. Pas pour la gloire, juste pour voir. Partant du principe que notre histoire personnelle, le fondement de notre personnalité se sont construit par un élagage progressif de notre potentiel pour laisser survivre un moi étriqué, comme un costume étroit aux entournures, Luke cherche un moyen de s'échapper de ce carcan et s'en remet au hasard, contrôlé par un instrument neutre : un dé. Il s'agit à chaque question de formuler plusieurs dé-cisions et d'accomplir sans état d'âme l'option retenue. Bien entendu, les options préliminaires sont le fait du joueur, mais dans cette incertitude digne d'une roulette russe, les hypothèses les plus osées et subversives font partie des alternatives. Comme celle d'aller violer la voisine du dessous, ou de conduire trente-huit malades de l'hôpital psychiatrique à Broadway pour voir la comédie musicale Hair, après avoir imité la signature du médecin-chef….
Outre le fait que notre thérapeute retrouve goût à la vie, il construit à partir de sa propre expérimentation une véritable théorie , une conception de l'âme humaine, et qui dit âme dit religion. C'est sans doute un des aspects les plus drôles du roman : prières, culte dé-dié, vénération.
Redevenant de temps à autre (en fonction de…vous devinez quoi!) un scientifique cohérent, Luke monte une étude expérimentale pour étayer ses hypothèses : et pourtant ses pairs rejettent ses travaux et le bannissent, malgré la rigueur interne de l'étude…est-ce parce qu'il est impliqué en tant que sujet? ou plutôt que la morale est bafouée jusqu'à l'impensable?
Il n'empêche que l'engouement gagne la population, tel une maladie contagieuse, par simple oui-dire. On n'ose penser à l'influence des réseaux sociaux s'ils avaient existé à cette époque…
Dé-janté, foisonnant, truculent, carrément pornographique, l'auteur serait-il le fils caché de Rabelais qui aurait croisé Sade sur son chemin. On passe du rire au dégoût en un seul jet de dés, tout en cogitant intensément, et comme le dit un collègue et néanmoins ami de Luke, le pire c'est que le raisonnement tient la route du fait d'une logique interne, d'un strict point de vu théorique : l'avènement d'un ego construit de toute pièce par le hasard ne pourrait-il conduire à un épanouissement total? C'est socialement que le bât blesse.
Sacré personnage que ce narrateur, qui porte le nom de l'auteur, pour entrainer le lecteur sur la fausse-piste d'une autobiographie. Fou ou génie, saint homme ou truand de bas étage, simple addict d'un jeu de hasard basique ou subtil théoricien d'une conception révolutionnaire de la psyché, il est tout cela à la fois.
Luke Rhinehart- L'homme dé- Editions de l'Olivier -520 pages - Mai 2014- 20 euros