Christian Signol

Les enfants des justes

Dans la catégorie héros de roman, il y ceux qui sont extraordinaires et  aussi les héros très ordinaires, comme ce couple de paysan de Dordogne dont la ferme isolée  se  trouve en zone libre, proche de la ligne de démarcation et qui  sollicité pour devenir des passeurs va, sans se poser de question accepter, mettant ainsi le doigt dans l'engrenage du combat de l'ombre.

Christian Signol va donc nous décrire le quotidien de Virgile et Victoria (deux prénoms qui ne sont pas choisis au hasard en ce temps de deuxième guerre  mondiale, l'un évoquant la descente aux enfers, l'autre la victoire), c'est fait avec cette simplicité et cette justesse de la description de la rudesse de la vie rurale et des sentiments qui caractérise l'oeuvre de Signol.

Après plusieurs passages de la ligne de nuit en barque, leur médecin, chef de la résistance, propose à Virgile d'héberger des enfants juifs fuyant l'arrestation et la déportation. Victoria et Virgile n'ayant pas d'enfant vont accepter de prendre chez eux la petite Sarah, une fillette très attachée à sa maman Judith et de surcroit  citadine. Cette confrontation de deux cultures  ne se fait pas sans mal et par ailleurs nécessite de prendre de grandes précautions car on ne sait qui peut les dénoncer. Finalement bien acclimatée, Sarah va à regret,  les quitter pour aller à Périgueux chez sa mère mais avec l'envahissement de la zone libre, Sarah va revenir et trouver Elie dont les parents ont été assassinés à Paris et que la résistance a confié à la garde de Virgile et Victoria.

Les deux enfants vont vivre dans une semi-liberté sous contraintes sans bien mesurer les dangers, Sarah entraîne même Elie dans une fugue pour retrouver ses parents dont Victoria lui a dit qu'ils s'étaient réfugiés sur la Côte d'azur. Une première perquisition de la ferme et rafle n'empêche pas Virgile de continuer ses passages rendus plus compliqués par les patrouilles de troupes allemandes, comme la présence des enfants qu'il devient difficile de cacher...et survient une deuxième perquisition...

Certes ce n'est pas un roman aussi original qu'"Une vie de lumière et de vent" que j'avais tout particulièrement apprécié, mais le roman se lit facilement et dégage une certaine émotion, celle de gens simples que les circonstances de la vie conduisent à faire les bons choix que leur dictent leur coeur et à les assumer jusqu'au bout sans besoin de reconnaissance.

 

Christian Signol - Les enfants des justes - Albin Michel -280 pages -2012- 20€

 

Une vie de lumière et de vent

 Que voilà un livre étrange et intriguant, un livre sur la destinée d'un homme qui traverse la première moitié du XXème siècle sans y laisser la moindre trace, en fait le récit de la vie d'une "inexistence". Et cela nous interpelle, bien sûr, sur notre propre existence...

Quelques lignes : " Le monde du vent, le monde des roches, le monde des secrets. C'est là qu'avait grandit Jean Dolin, guettant la plus infime lumière, le fragile espoir de partir, ne sachant même pas que d'autres vies existaient ailleurs, qu'elles pouvaient être belles, souriantes, douces, si différentes de celle qu'il menait chez ceux qui l'avaient recueilli, pauvre chose qui avait espéré vainement la caresse d'une main, le sourire d'un visage, la parole qui soigne, le regard qui apaise."

Voilà résumée l'enfance de Jean, l'enfant trouvé, qui va, au fil des pages découvrir un monde de fureur (les deux guerres mondiales), un monde auquel il n'appartient pas,  plus terrible pour lui que son monde minéral, venteux et chaotique des Causses. Il va découvrir un amour fruste avec Dorine, un coeur simple, qui va disparaître en dommage collatéral de la résistance. Aussi par désespoir et poussé par une force intérieure qu'il ne s'explique pas, il va marcher, marcher...jusqu'à l'abîme de la mer.

Christian Signol est très connu pour sa trilogie "La rivière espérance" sur le monde des gabares de la Dordogne qui a donné lieu à un téléfilm à épisodes. Il décrit avec son grand talent de conteur la rudesse des paysages et de la vie dans les campagnes reculées mais laisse aussi une large place à l'imagination par son sens de l'élipse et les "non-dits".

Un beau roman intimiste, à lire...

Christian Signol - Une vie de lumière et de vent - Albin Michel - 248 pages - 2014 - 19,50 euros.