Beck Weathers

Laissé pour mort sur l'Everest

 

"Le 10 mai 1996, une terrible tempête de neige emportait neuf personnes dans la "zone de la mort" de l'Everest. Le lendemain, l'une d'elles s'est vu offrir une seconde chance. je me rappelle vaguement avoir quitté la vie le 10 mai, anesthésié par le froid et basculant sans le savoir dans le néant. Mais le 11 en fin d'après-midi, alors que le soleil descendait vers l'horizon, je suis revenu d'entre les morts et ai ouvert les yeux. Ce mystère, qui confine au miracle, je ne me l'explique toujours pas."

Toute la première partie de l 'ouvrage relate l'expédition à laquelle participe Beck Weathers, cet anatomopathologiste dont le rêve est de faire partie de l'élite des alpinistes qui a conquis les 7 plus hauts sommets du monde dont le mythique Everest. L'intérêt réside moins dans la relation de l'ascension, que dans la description des difficultés et des grains de sable qui vont petit à petit conduire au désastre de ces hommes et femmes pourtant sur-entraînés. (Le détail minutieux de l'ascension a été écrit par Jon Krakauer "Tragédie à l'Everest" paru en 1998 et un film récent de 2015 "Everest" relate également les péripéties de cette tragique ascension)
Toutefois c'est la deuxième partie de cet ouvrage qui apporte un point de vue nouveau et peut intéresser même ceux que l'alpinisme ne passionnent pas. Beck en effet essaie d'expliquer avec une certaine franchise et auto-dérision comment il est "tombé dans l'alpinisme" à la suite d'une grave dépression et comment cette "addiction" a menacé son couple au point que la rupture était presque consommée lorsqu'il est parti pour l'Everest. Il faut lire effectivement le programme d'entraînement que s'imposait Beck qui ne laissait pas beaucoup de place à la famille et aux relations sociales. Son obstination à faire tous les grands sommets, son admiration pour les grands alpinistes himmalayens dont Rob Hall. Ce dernier va d'ailleurs l'entraîner sur l'Everest dans une expédition dont il est l'un des guides, il  y trouvera la mort n'ayant pas voulu laisser un  client seul dans la tempête. La solidarité des alpinistes est fort bien racontée notamment avec le récit d'un alpiniste russe qui aura la force et le courage surhumain de remonter du camp IV dans la tempête trois fois et qui sauvera ainsi plusieurs personnes ou ce pilote d'hélicoptère qui ira rechercher Beck à la limite de l'altitude que pouvait atteindre son engin.

Cette partie est intéressante car on peut étendre le propos et voir combien le danger que le refuge dans le sport intensif pour chercher à se retrouver ou à se dépasser est illusoire et risque d'aboutir à une fracture et à un isolement encore plus grand.

La troisième partie qui montre le retour chez lui de Beck, ayant perdu par le gel, le nez et les mains, mais s'efforçant de changer, à la suite de la vision de sa famille toute proche de lui dans la tempête sur l'Everest. Il obtient  de sa femme Peach à laquelle on avait annoncé la mort de son mari avant de rectifier,  un sursis d'un an pour changer ou ce serait la séparation. On suit son obstination pour retrouver une vie normale malgré les amputations et les très nombreuses opérations, pour retrouver son travail d'anatomopathologiste et le lien avec ses enfants et sa femme.  Le cancer foudroyant du frère de sa femme que Beck va accompagner jusqu'à la fin va marquer aux yeux de sa femme Peach un retour possible à une vie plus équilibrée et possible avec lui, un deuxième miracle....

Les différentes parties sont fractionnées par les interviews réalisés par Stephen Michaud de Peach, des enfants, des amis des relations de travail et l'on voit, surtout dans les deux premières parties le décalage entre ce que pense Beck et ce que pense son entourage et le fossé qui se creuse inexorablement chaque fois qu'il annonce vouloir participer à une nouvelle expédition, en Amérique, en Afrique, en Antarctique ou en Himmalaya.

Ce n'est pas très bien écrit et les commentaires-interviews sont parfois un peu plaqués artificiellement, mais le livre est vraiment prenant...le récit d'un destin hors du commun. 

 

Beck Weathers avec Stephen G. Michaud - Laissé pour mort sur l'Everest - Glénat - collection : Hommes et montagnes - 264 pages - août 2015 - 20 euros